2018 05 21 : Fernanda Torres – Fim

En France il semble qu’on connaisse peu la littérature brésilienne ; quant à moi je ne la connaissais pas jusqu’à ce qu’on me donne à lire Fim de la romancière Fernanda Torres.

Ce premier roman de l’auteure, auparavant connue comme actrice (prix d’interprétation féminine à Cannes 1986 pour son rôle dans Parle-moi d’amour d’Arnaldo Jabor.) s’intitule en français Fin et c’est plus exactement un recueil de cinq nouvelles.

Cinq variations sur un thème commun : le vieillissement jusqu’à leur fin de cinq archétypes du mâle brésilien des années 70 dans toute leur splendeur puis leur délabrement.

Cinq hommes qui se croient devenus les rois de Copacabana ou Macumba ou Buzios, avec la libération sexuelle, la frénésie de bossa nova, un timide début de prospérité… mais qui ratent leurs velléités de construire une famille, de bâtir un bon couple, une union paisible, s’avilissent dans de minables trahisons, s’adonnent aux nouvelles drogues, sombrent dans l’impuissance que le Viagra ne pallie pas, et tout à la fim une vieillesse synonyme de solitude.

Résumé ainsi, vous penserez que ce roman à cinq personnages doit être d’une tristesse à pleurer, d’un pessimisme à vous dégoûter des plages brésiliennes, d’une trivialité à vous faire rejeter toute envie de Rio.

Eh bien non ! Parce que c’est écrit par une femme sans doute, qui sait brosser les trop évidents défauts et ridicules de ces machos tristes, mais aussi décrire leur psychologie intime. Parce que c’est une comédie humaine à la fois féroce mais tendre. Parce que derrière les bouffons il y a les illusions perdues et les miroirs étincelants d’une époque dont ils furent les alouettes.

Certains ont reproché à l’auteure son réalisme racoleur, sa description crue du priapisme de ces pseudo-étalons bien vite amollis. Mais c’est ignorer une dimension, inconnue chez nous, de la culture brésilienne, éprise en même temps du péché de chair et de religion ; obnubilée à la fois par les corps presque nus sur les plages et dans les rues et par le Christ du Corcovado ; par le muscle et par l’esprit ; par les courbes féminines souvent augmentées et les morphologies masculines souvent bodybuildées ; s’efforçant illusoirement à une gonflette sociale qui la plupart du temps restera un mirage.

Et puis, ce style grivois et salace, sans même hasarder une comparaison avec certaines de nos auteures contemporaines, c’est du pur Rabelais, enfin quoi ! L’auriez-vous oublié, celui-là ?

21 mai 2018