2017 05 12 : L’autre côté de l’espoir – film

A l’annonce de L’autre côté de l’espoir, nouveau film du réalisateur finlandais Aki Kaurismäki vous vous serez peut-être dit « tiens il tourne encore, celui-là » puisque son dernier (Le Havre) remontait à 2011 et l’avant-dernier (Les Lumières du faubourg) datait de 2006. Un tous les cinq ans. Et s’il fut plus prolifique dans sa jeunesse, livrer 20 films en 40 ans ne révèle pas un productiviste débridé…

L’histoire est simple : à Helsinki, Wikhström (Sakari Kuosmanen) un quinquagénaire, veut tourner une page de sa vie avant qu’il soit trop tard. Il abandonne sa femme alcoolique et quitte un fastidieux travail de représentant de commerce. Il va ouvrir un restaurant.

Un soir Wikhström trouve dans la cour de son restaurant un jeune réfugié syrien ayant fui Alep, Khaled (Sherwan Haji) en vilaine situation puisque sa demande d’asile vient d’être rejetée. Et Wikhström le prend en charge.

Là vous commencez à baliser : une telle jonction de deux destins, divorce de l’un, errance de l’autre, ne sera pas le prologue idéal d’un week-end ensoleillé… La primavera si, ma il dramma no.

Et en plus, caramba ! Télérama en dit du bien…

Alors je m’empresse de vous détromper, et triplement : primo le thème d’un divorce cruel, secundo celui d’une odyssée, tertio le lourd handicap d’une critique élogieuse… n’empêchent pas ce film d’être recommandable.

Car Kaurismäki parvient à illustrer cette intrigue d’une façon amusante voire burlesque, surprenante, chaleureuse. Sa vision lucide est empathique et humaniste, comme apaisée. Sur ces thèmes sombres il parvient à décliner finement humour, charme et élégance.

Surtout, il évite complètement le mélodrame, le pathos, le militantisme pontifiant. Il maîtrise de bout en bout une rare sobriété, à l’écart de l’apitoiement ou de la commisération.

Sur le plan esthétique Kaurismäki démontre son habituel talent, avec des plans inoubliables, une lumière magnifique, une riche palette chromatique.

Les acteurs sont exceptionnels et remarquablement conduits.

Ah ! J’allais oublier, je n’en parle jamais : la bande-son est comme un blues mémorable.

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Après la séance, nous étions allés au Vérones, un café de la place Pablo-Picasso, puisqu’ainsi s’appelle désormais le carrefour du boulevard du Montparnasse et de la rue Delambre. Et je me surpris à penser violemment à son célébrissime tableau Guernica.

Pourquoi ? Le bombardement de la ville basque espagnole en avril 1937 par les nazis et fascistes italiens fit 300 victimes civiles. Moins que les 600 morts de Coventry sous les bombes allemandes en novembre 1940, simple prélude aux 50 000 victimes du Blitz dans les six mois suivants, et un millième seulement des 600 000 civils morts par bombardements dans l’ensemble de l’Europe entre 1939 et 1945 (dont la moitié d’Allemands).

Mais Guernica marqua et marque toujours les esprits parce que ce fut le premier en Europe.

Alors je me disais ce soir-là que les 1,5 million de réfugiés parvenus tant bien que mal mais vivants en Europe depuis deux ans ne sont sans doute que l’annonce d’un mouvement de populations de plus grande ampleur, que les causes en soient les guerres, les famines ou le climat.

Si l’Union européenne ne parvient pas à élaborer des solutions et les faire partager par les Etats, par les factions en cause et par nos concitoyens, alors nous basculeront dans des désordres incomparablement plus grands et l’Europe sombrera de l’autre côté : celui du désespoir.

12 mai 2017