2017 02 01 : La grâce des François

A l’instant, interview de François BAYROU par Jean-Jacques BOURDIN sur RTL. Moment de grâce que d’entendre ce bon chrétien porter férocement en terre l’autre grand chrétien François FILLON

Moment de grâce surnaturelle ? Est-ce bien sûr ?

Moi qui fis quelques années d’études chez les Pères jésuites, en vérité je vous le dis : le grand Pascal (qu’ils détestent) affirme que « Nous appelons grâce actuelle une inspiration de Dieu par laquelle il nous fait connaître sa volonté et par laquelle il nous excite à la vouloir accomplir ». Mais Bourdaloue (qu’ils estiment) avertit déjà que « Les grâces de Dieu ne sont pas seulement pour nous des dons de Dieu, ni des bienfaits de sa miséricorde, mais de grandes charges devant Dieu. »

Grâce, au sens pénal de remise de peine ?

Alors là non, Bayrou ne sera pas le Sauveur de Fillon, au contraire. Ce matin le chevalier de grâce béarnais ne brandissait pas la lettre de grâce du rédempteur mais la bêche du fossoyeur, Chacune de ses phrases était une pelletée sur le cadavre politique du pauvre François FILLON qui pourtant n’est pas mort puisqu’il bouge encore ; et de bien lourdes pelletées (mais tout ce que dit ou fait Bayrou n’est-il pas toujours un peu lourd ?)

Certes Mme FILLON et ses enfants auraient bénéficié à profusion de la grâce de Dieu, qui selon le dictionnaire de l’Académie française, désigne « ce qui arrive d’avantageux à quelqu’un sans qu’il y ait contribué par ses soins ou par son travail ».

Pourtant, pourtant, moi pauvre pécheur qui me complais depuis six ou sept papes dans un agnosticisme irrémédiable, voire un athéisme épouvantable, il me semblait ces derniers temps ressentir, certes fugitivement et subliminalement, les frémissements du début d’un commencement de croyance : non certes la foi du charbonnier, mais un fidéisme discret. Cela sous le charme du pape François, divine surprise d’un Vatican fatigué, pape plein de grâces et particulièrement de celle capable de nous faire enfin considérer la doctrine sociale de l’Eglise pour autre chose qu’un placebo sur les misères du Monde.

Patatras ! Je rechute dans le voltairianisme. Car les bons chrétiens François B. et F. viennent dessiller mes yeux et je regarde avec horreur et le long aveuglement où j’ai failli tomber et les désordres criminels de la vie politique de la France, fille aînée de l’Eglise depuis Clovis.

Un autre François, pourtant, avait bénéficié d’une indulgence plénière, qu’il dénomma lui-même état de grâce ; mais c’était en 1981, ces temps étaient à la ferveur et Luther-Rocard n’avait pas encore promis, sola gratia, de mettre fin au trafic des indulgences.

Je n’ai pas évoqué ou invoqué, direz-vous, le cinquième François.

Celui qui achève tranquillement ses derniers mois de prélature, expert en onctuosité prêchante et pourtant coutumier de dire grâces avant le bénédicité. Mais on ne tire pas sur un scootériste, fut-il pontife.

1er février 2017