Livre : Faut-il supprimer les hôpitaux ? L’hôpital au feu de Michel Foucault – 2009

Sortir la tête du sable

Si je vous indique que le livre se conclut, à la page 198 par « Le moment n’est-il pas venu de ranger l’hôpital au musée de nos institutions, d’écourter son pitoyable et douloureux naufrage, de faire cesser les inutiles révoltes et de porter sur lui un regard apaisé, admiratif et respectueux de ses réussites et de ses gloires anciennes ? Ainsi nous pourrons, en nous souvenant de l’hôpital de Laennec et de Tenon, ressentir enfin le vertige de sa grandeur passée. » vous allez fuir, ne pas l’acheter.

Ce faisant vous vous priveriez des 197 pages qui précèdent et qu’il faut lire tant l’analyse qu’elles soutiennent, discutable si l’on veut dans ses conclusions, est serrée dans ses développement, nous porte à la réflexion et nous oblige à l’action hors des sentiers déjà battus en tous sens.

L’hôpital public est malade. Sur fond de crise chronique, son état ne cesse d’empirer. La réforme HPST vient s’ajouter aux six réformes votées depuis 1958. L’institution n’a pas pour autant perdu son prestige. L’hôpital reste le dépositaire de valeurs incontestées, lieu d’accueil inconditionnel de la souffrance, symbole de l’égalité des soins, haut lieu de la technique médicale. Son état apitoie plutôt qu’il n’interpelle, il faut venir à son chevet, sauvons l’hôpital public est le mot d’ordre en vigueur.

Évoquer la suppression de l’hôpital dans ce contexte confine au sacrilège. L’auteur pourtant tente de regarder autrement l’institution, l’examine dans l’épaisseur de son histoire. Ce regard au travers de l’histoire méritait de convoquer Michel Foucault, philosophe et historien de la médecine. C’est à la croisée de la pensée de Foucault et de son expérience de médecin hospitalier que L. Vercoustre ose penser la contingence de l’hôpital. F

ondé au milieu du XVIIe, l’hôpital était un lieu ambigu d’accueil et d’enfermement, de soins et d’insalubrité et pesait sur les finances de l’État. C’est pourquoi les révolutionnaires de 1789 ont envisagé de le supprimer. Ils ont finalement renoncé mais nous ont donné par leur geste la mesure et le sens de ce qui était à penser pour sortir l’hôpital de son marasme. La mesure, par l’ampleur du débat public que la question des hôpitaux a suscité pendant la période révolutionnaire, le sens, parce que c’est à partir d’une rationalité médicale conforme aux idées de l’époque que les hommes des Lumières ont transformé l’hôpital en « machine à guérir ». Et par une récompense imprévue, la pensée médicale a trouvé à l’hôpital sa scientificité.

La révolution technologique aujourd’hui a changé l’apparence de l’hôpital, mais n’a pas délié le nœud originel. Au XVIIIe siècle, la structure « hôpital », espace analytique, et la pensée médicale étaient solidaires. L. Vercoustre invite le lecteur à remonter le cours de l’histoire pour saisir la force du lien qu’il s’agit de trancher si l’on veut réformer notre système de santé et adapter l’hôpital au statut épidémiologique actuel.

Et quand vous parvenez à la page 196, juste celle qui allait vous faire fuir, vous lisez cette interpellation qu’aucun honnête professionnel de santé ne peut plus désormais éluder : « N’est-il pas temps de renouer l’alliance originelle que l’Antiquité grecque avait scellée entre la philosophie et la médecine ? »

Laurent Vercoustre est PH gynécologue obstétricien depuis 1979. Il exerce au pavillon mère-enfant du groupe hospitalier du Havre. Il poursuit également un master de philosophie pratique à l’université de Marne-la-Vallée.

Laurent Vercoustre
avril 2009 – 200 pages – 19 €
Collection Questions contemporaines
L’Harmattan
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