Livre : Jusqu’au terme de l’existence – Approches de la vieillesse et de la fin de vie – 2006

Ca va aussi nous arriver

C’est un livre émouvant et pourtant pas triste. Il parle de nous ‑ êtres mortels ‑. Bien sûr, un professionnel qui parle de vieillesse et de démence, de fin de vie et de soins palliatifs, l’occasion est belle de montrer comment la vieillesse est un naufrage et comment le dévouement des personnels soignants est admirable…. Bref, il y a là matière a faire pleurer dans les chaumières avec force anecdotes, toutes plus émouvantes et dramatiques les unes que les autres. Rien de tout çà ici.

Lorsque un « besogneux » confronté sans fard avec le réel, se met à réfléchir, à analyser et à écrire comme un « penseux » alors, on a le sentiment d’arriver au plus profond de l’intime. Sans masque, les pensées les plus odieuses au contact du vieillard dément « ingérable » en fin de vie sont ici évoquées, appréhendées pour mieux les maîtriser. La violence de notre société, de nos institutions « spécialisées » et du personnel soignant est ici dévoilée. La réflexion ‑ appuyée sur l’autorité du philosophe Emmanuel Levinas largement évoqué ‑ trace le cheminement personnel d’une personne en situation de soignante.

Dans notre société, le grand âge, la douleur, la démence sont occultés car il font peur. Pourtant, la réalité est là sans échappatoire possible. Lorsque l’on va au-delà du professionnalisme technique ‑ évidemment nécessaire ‑ lorsque l’on passe du corps au visage, c’est la confrontation bien plus difficile avec l’altérité qu’il s’agit d’affronter à côté et avec l’autre. Ce n’est pas l’amour du prochain ‑ prescription religieuse ‑ mais le désir propre à chacun de vivre et de vivre avec l’autre chaque instant de vie. D’ailleurs prescription intenable. Peut-on se forcer à aimer l’autre ? Quel soignant, au contact de handicapés mentaux ou de patients atteints de pathologies graves, n’a pas eu de pensées peu avouables, ici décryptées.

Avec l’auteur, on passe de la morale à l’éthique propre à chaque soignant, fruit de son passé, de son évolution, de sa réflexion et de son expérience. « Offrir à l’autre dans notre regard un miroir où il puisse se voir vivant, se reconnaître. Pas comme un malade, un vieux, un fou, un cadavre en sursis. Comme un être humain. » conclut l’auteur.

Une fois tournée la dernière page, on se dit que si son destin final était celui d’une détérioration mentale et physique importante, nécessitant une vie institutionnelle, c’est à côté et avec de tels soignants qu’on aimerait être accompagné.

Geneviève Mora
janvier 2006 – 143 pages
collection Espace éthique
Editions Vuibert
20 rue Barbier-du-Mets
75647 Paris cedex 13
http://www.vuibert.fr